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Santé , bio-écolo , biodiversité , politique

Le syndrome de l'effondrement écologique de l'île de Pâques : un mythe ?

Publié le 8 Juin 2016 par Luttons pour la biodiversité et contre la pollution

Le syndrome de l'effondrement écologique de l'île de Pâques : un mythe ?

Le syndrome de l'effondrement écologique de l'île de Pâques : un mythe ?

L'histoire tragique de l'effondrement de la civilisation de l'île de Pâques suite à la déforestation totale de cette petite île est souvent utilisée pour alerter sur le devenir de nos sociétés qui pratiquent une déforestation massive. Le "syndrome de l'île de Pâques" ne se limite sans doute pas à des facteurs purement anthropiques comme le prouvent de nouvelles analyses.

L'île de Pâques (en rapanui Rapa Nui (« la grande Rapa »), en espagnol Isla de Pascua) est une petite île de 163 km², perdue au milieu de l'océan Pacifique sud. Elle se trouve à 3 680 kilomètres des côtes chiliennes et à 4 050 km de Tahiti, l'île habitée la plus proche. Ainsi, il s'agit sans doute du lieu habité le plus isolé du monde, après l'île de Tristan da Cunha, située dans l'océan Atlantique sud.

L'île de Pâques est principalement célèbre pour ses statues monumentales (les moaï) et son écriture océanienne unique, le Rongo-Rongo. Mais c'est aussi l'histoire écologique et l'effondrement de sa civilisation qui alimentent les spéculations, les fantasmes, les écrivains et les scénaristes.

Selon la pensée dominante actuelle, l'île de Pâques a été colonisée entre 800 et 1200 après JC. Ses ressources forestières ont alors été tellement surexploitées (et brûlées) que l'île est maintenant dépourvue de forêt. S'en est suivie une catastrophe écologique conduisant à un effondrement culturel de la société Rapa nui.

Cette histoire tragique est devenue un symbole, un syndrome, brandi comme une alerte pour nos sociétés modernes. En effet, l'île de Pâques est considérée comme un modèle microcosmique montrant comment l'égoïsme humain pourrait entraîner notre propre destruction à plus grande échelle, si nous répétions les mêmes erreurs…. Ce qui est manifestement le cas, vu la 6e extinction massive du vivant.

Un autre point de vue considère que les colonisateurs polynésiens sont arrivés un peu plus tard, entre 1200 et 1300 après JC. Les forêts de palmiers présents sur l'île auraient été progressivement dévastées par les rats friands des fruits, espèce envahissante importée par les premiers colons.

Selon cette hypothèse, le coup de grâce aurait été porté par l'arrivée des européens (vers 1722) qui ont introduit des maladies auparavant inconnues et exporté une grande partie de la population, réduite à l'esclavage...

Pour établir ces scénarios, les chercheurs s'appuient notamment sur des analyses de carottes sédimentaires qui contiennent des pollens et des composés chimiques évocateurs de l'histoire de la végétation de l'île. Il est ainsi possible de retracer les conditions biogéographiques et climatiques qui régnaient il y a des centaines voire des milliers d'années !

Dans un article publié dans le "Frontiers in Ecology and Evolution" magazine, des chercheurs espagnols de l'Institut des sciences de la Terre Jaume Almera (ICTJA-CSIC) et de l'Université de Barcelone (UB) suggèrent ainsi une autre version de la déforestation de l'île.

En se basant sur les 3 000 ans de l'histoire écologique de l'île de Pâques, ils ont pu constater que la déforestation n'a pas été soudaine, mais progressive et sur des pas de temps différents suivant la géographie de l'île.

En outre, de nouvelles preuves consolidées permettent d'affirmer qu'à cette période, il y avait des changements climatiques significatifs avec une importante sécheresse qui pourrait avoir joué un rôle déterminant dans la déforestation et l'équilibre de la société insulaire.

"Cela remet en question les interprétations classiques de la dégradation écologique et culturelle causées uniquement par des facteurs humains", indique Valenti Rull, biologiste, écoloque et premier auteur de l'étude. Il ajoute : "nous avons encore beaucoup à étudier, mais, grâce à de nouvelles preuves, il semble qu'une succession longue et progressive de changements climatiques, écologiques et culturels interdépendants ont conduit à la situation actuelle."

Entre 1200 et 1500 après JC, les colonisateurs polynésiens fondent une civilisation florissante et érigent plus d'un millier de statues moaï, façonnées en basalte, de plus de 4 m de haut en moyenne. Puis des périodes de sécheresse, de conflits, les maladies importées, et l'exploitation importante des forêts auraient entraîné le déclin progressif de la société Rapa nui.

Ainsi, selon Valenti Rull "ces découvertes récentes remettent en question les hypothèses traditionnelles de l'histoire de l'île de Pâques, en particulier l'existence d'un effondrement écologique et culturel soudain provoqué par l'ancienne civilisation de l'île."

"La colonisation, l'introduction de bétail, le confinement des autochtones dans des zones plus restreintes, l'effet dramatique de maladies venues du continent et, avant toute chose, l'esclavage ont réduit la population de Rapa nui à un peu plus de cent habitants, contre plusieurs milliers auparavant" indique l'UNESCO.

De nos jours, l'île est habitée par les descendants des anciens Rapa nui ainsi que par des immigrants de différentes origines qui composent une importante population mixte.

Les chercheurs soulignent que leur travail n'est qu'une première approche qui mérite d'être complétée et étayée. Le message est à retenir est que les facteurs environnementaux et humains peuvent avoir des effets distincts, ou peuvent agir en synergie, ou encore se stimuler pour conduire à la fin d'une civilisation.

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